TANG LANG QUAN PAR UN TEMPS DE NEIGE


I
Nous tournons en rond et nous formons des cercles comme des milliers de gouttes de pluie
à la surface du lac
Autour de l'île du Souvenir
Je vois à travers l'eau
Je compte les piliers en bois du pont couvert
Douze piliers
Le masque rouge des poules d'eau
Un homme et une femme
les deux entièrement habillés en noir
Le bruissement de la surface du lac
résonne dans mon parapluie
Je choisis de marcher dans les faques
Les gouttes de pluie se dispersent au contact du sol
Elles se fragmentent
La toile noire de mon parapluie me cache le ciel
La lumière est difuse et le ciel est gris comme une avalanche
Un homme a le crâne rasé et un sweat à capuche noir
Il avance en donnant des coups de genou qui pourraient atteindre un visage Je donne à ma main la forme et la position de la mante
Je shoote dans un marron qui n'en fnit pas de rouler
Le lac est immobile et sa surface est criblée
On ne sait plus si les ronds dans l'eau viennent du ciel ou des profondeurs D'autres choses : des bas-reliefs de chevaux au galop
des écureuils roux et d'autres noirs avec un peu de blanc
des arbres et le regret de ne pas pouvoir tous les nommer
Sentir l'eau traverser la toile de ses chaussures
Entrevoir sous un pont une tente noire qui se découpe dans l'obscurité
De retour sur le pont qui me ramène à la presqu'île
rester entièrement statique
un long moment
à observer les milliers de cercles
à la surface du feuve


II
Des focons bleus et violets une nuit nerveuse
Répéter son mouvement et puis soudainement l'arrêter
S'immobiliser
Regard blanc de statue
Branches et brins d'herbe qui se balancent dans le vent
Deux minuscules points noirs au milieu du blanc
Marcher au pied des cyprès chauves
Suivre des yeux les gouttes de pluie qui constellent le plan d'eau
Penser sans répit à ton visage gelé et à la fumée
sur une photographie prise dans une voiture roulant la nuit le long d'une voie ferrée


Guillaume Dorvillé, 2017